Désherber son jardin

Je me prépare à aller désherber au jardin. Cette activité, qui peut sembler sans intérêt pour beaucoup, m’est au contraire très profitable. La répétition des mêmes gestes, et la progression lente de ces petit travaux, à recommencer sans cesse, m’apparait comme une métaphore des tourments qui sont les miens. Pour certains, l’ordre et la beauté des choses ne peuvent apparaître qu’après un long et patient travail de défrichage. Chaque être a sa propre vérité. Il faut avoir le courage de l’affronter, et d’aller la chercher dans les orties et sous les ronces. J’en suis à ce stade. Mes avant bras sont zébrés d’égratignures ; quelques épines ont blessé ma chaire, et le sang à coulé. Mais je dois continuer, à genou, penché en avant, le souffle parfois coupé, jusqu’au moment où le jardin exprimera sa beauté. C’est alors que je pourrai m’assoir et contempler un instant le résultat de mon travail, en me laissant pénétrer par des pensées plus profondes. Mais à la saison prochaine, il faudra recommencer. Dans l’existence, le repos est toujours de courte durée.

Nous sommes vivants

Tout commence par le rapprochement des corps, à quelques centimètres de ta peau, pour sentir la chaleur de tes ondes. Puis un baiser, tout doux, sur la commissure des lèvres, juste à l’endroit où tout peut basculer. Glissement vers ta bouche à peine entre ouverte, en m’attardant un instant pour l’embrasser, une fois, deux fois, encore une fois. Mon poul s’accélère, mais il ne faut pas, pas encore. Ton cou, blanc et lisse, s’offre à moi. Il montre le chemin. C’est là que je veux aller. Tu sembles d’accord pour me guider. Je déboutonne ton chemisier lentement. Le sentier devient brûlant. Nous commençons à respirer plus fort. La chimie des neurotransmetteurs est désormais aux commandes. La partition se déroule selon un plan établi depuis la nuit des temps. D’abord une musique douce, comme un dialogue entre un piano et une harpe. Puis la mélodie s’éloigne, faisant place au rythme, réguliers, dense, puissant, insistant, scandé par le bruit de nos respirations haletantes. Quelques goûtes de sueur, et le goût salé de ta peau. Je te regarde en face. Nous sommes d’accord. C’est maintenant. Vertige et chute. Puis le silence, les battements de cœur, et ta main dans la mienne. Nous sommes vivants.

Moi, moi, moi

«Moi, moi, moi, quand j’ai dis trois fois moi, j’ai honte de moi.»

marco-ferreri
Marco Ferreri (1928-1997)

Ces propos, prononcés par Marco Ferreri, le réalisateur du film « la grande bouffe », interviewé sur France Inter il y a plus de 20 ans, résonnent encore dans ma tête après toutes ces années. Nul pourtant ne saura jamais si cette phrase était sincère ou l’expression du cabotinage d’un artiste. La fausse modestie est si facile à vendre, alors pourquoi s’en priver si ça peut rapporter un peu d’empathie, un peu d’amour du public, et pourquoi pas un peu d’argent. Mais je suis mauvaise langue diront les bonnes âmes. Il ne faut pas toujours penser à mal. Et bien si, justement, et j’en ferai le thème de mon prochain billet dont le titre sera, je vous le donne en mille : ce que j’adore détester. Tout un programme.