Ossip Mandelstam – Épigramme contre Staline – Le montagnard du Kremlin (1933)

Arrêté pour cette épigramme en 1934, le poète russe Ossip Mandelstam est d’abord exilé, puis déporté en 1938, après avoir été condamné à cinq ans de travaux forcés. Il y subit les pires humiliations, et meurt de faim et de froid pendant le voyage qui le conduit dans un camp de transit. Son corps est jeté dans une fosse commune.

Poème lu par Fanny Ardant – A voix nue – France Culture – le 28 octobre 2016.

Nous vivons sourds à la terre sous nos pieds,

À dix pas personne ne discerne nos paroles.

On entend seulement le montagnard du Kremlin,

Le bourreau et l’assassin de moujiks.

Ses doigts sont gras comme des vers,

Des mots de plomb tombent de ses lèvres.

Sa moustache de cafard nargue,

Et la peau de ses bottes luit.

Autour, une cohue de chefs aux cous de poulet,

Les sous-hommes zélés dont il joue.

Ils hennissent, miaulent, gémissent,

Lui seul tempête et désigne.

Comme des fers à cheval, il forge ses décrets,

Qu’il jette à la tête, à l’œil, à l’aine.

Chaque mise à mort est une fête,

Et vaste est l’appétit de l’Ossete.

Un bon auteur

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Un bon auteur, et qui écrit avec soin, éprouve souvent que l’expression qu’il cherchait depuis longtemps sans la connaître, et qu’il a enfin trouvée, est celle qui était la plus simple, la plus naturelle, qui semblait devoir se présenter d’abord et sans effort.

La Bruyère – Les caractères – Des ouvrages de l’esprit

Mais parvenir à la simplicité réclame parfois un long travail.

Écrire à la première personne

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Si vous donnez aux histoires que vous écrivez à la première personne une vraisemblance telle que les gens finissent par y croire, le lecteur pensera presque forcément qu’elles vous sont effectivement arrivées. Ce qui est tout à fait naturel puisque, au moment où vous les inventez, il faut bien que vous donniez l’impression qu’elles sont arrivées à celui qui les raconte. Si votre entreprise est réussie, vous amenez celui qui les lit à croire que ces choses-là lui sont également arrivées à lui. Le but que vous vous êtes assigné est atteint, ou peu s’en faut : créer quelque chose susceptible d’imprégner l’expérience et la mémoire de votre lecteur. Il y aura forcément des éléments qui lui auront échappé à la lecture de l’histoire ou du roman, mais qui, à son insu, vont informer sa mémoire et son expérience pour devenir partie intégrante de son existence. La tâche est cependant loin d’être facile.

Ce qu’il est, sinon facile, du moins toujours Possible de faire, pour ceux qui appartiennent à l’école des détectives privés de la critique littéraire, c’est de prouver que l’écrivain qui écrit ses récits à la première personne n’a matériellement pas pu faire tout ce qu’accomplit son narrateur, voir n’en a rien fait du tout. Quelle importance ? Qu’est ce que cela prouve, sinon que l’écrivain n’est dénué ni d’imagination ni d’inventivité, j’avoue ne l’avoir jamais compris.

Ernest Hemingway – Paris est une fête – folio – p 267, 268

C’est peut être tout simplement la jalousie de la poule qui voit un albatros voler ?

Devenir romancier

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«Or je n’avais pas encore écrit de roman. Depuis que j’avais commencé à démanteler mon style antérieur et à fuir toute facilité et à essayer de faire agir mes personnages au lieu de les décrire, écrire m’était devenu merveilleux mais très difficile et je ne voyais pas comment je pourrais jamais écrire un texte aussi long qu’un roman. Il me fallait parfois toute une matinée pour écrire un seul paragraphe.»

Ernest Hemingway – Paris est une fête – Folio – p 201

Evan Shipman

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« Il nous faut plus de mystère authentiques dans nos vies, Hem, dit il un jour. Ce qui manque le plus à notre époque, c’est un écrivain sans ambition et un poème inédit vraiment important. Mais bien sûre, il faut vivre. »

Je n’ai jamais vu aucun écrit concernant Evan Shipman, ce quartier de Paris ou ses poèmes non publiés, et c’est pourquoi je pense qu’il est capital de l’inclure dans cet ouvrage.

Ernest Hemingway – Paris est une fête – Folio – p 173, 174 Continuer la lecture de Evan Shipman

Ou comment garder le fil de son inspiration

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« Quand j’écrivais quelque chose, j’avais besoin de lire après avoir posé la plume. Si vous continuez à penser à ce que vous écrivez, en dehors des heures de travail, vous perdez le fil et vous ne pouvez le ressaisir le lendemain. Continuer la lecture de Ou comment garder le fil de son inspiration

Les leçons en plein air

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Malaparte – Kaputt

1942, la guerre sur le front russe – extrait

« La seule fois qu’il m’arriva d’assister à une de ces leçons, ce fut dans le kolkhoze d’un village près de Nemirowskoie.

Et, dorénavant, je refusai toujours d’assister à ces exercices de lecture. «Warum nicht ?,me disaient les officiers allemands du général von Schobert. Pourquoi ne voulez vous pas assister aux leçons en plein air? C’est une expérience très intéressante, sehr intéressant.» Continuer la lecture de Les leçons en plein air

Si je meurs…

celine

« si je meurs de ma mort à moi, plus tard, je ne veux surtout pas qu’on me brûle ! Je voudrais qu’on me laisse en terre, pourrir au cimetière, tranquillement, là, prêt à revivre peut être…Sait-on jamais. Tandis que si on me brûlait en cendres, Lola, comprenez-vous, ça serait fini, bien fini… Un squelette, malgré tout, ça ressemble encore un peu à un homme… C’est toujours plus prêt à revivre que des cendres… Des cendres c’est fini !… »

Céline – Voyage au bout de la nuit – Folio – p65

Céline a beau porter un regard sans concession sur la tragédie du monde, la peur de mourir le ramène vers ses racines chrétiennes. Petite lâcheté ou espérance folle ?